AUX ALGUES, CITOYENS


Un article de Philippe Gestin dans l'hebdomadaire Le Trégor du jeudi 16 avril 2009 - Nitrates : un site pilote à Locquirec.
 

Création le 21 avril 2009

Le professeur Jean-Marie Génin a repris son bâton de pélerin afin de mettre en action le procédé de réduction naturelle des nitrates validé en laboratoire. L'expérimentation pourrait être lancée à Locquirec.

Le fléau des algues vertes n'est pas une fatalité. Le Professeur Jean-Marie Génin en est persuadé. Dans son laboratoire de l'Université de Nancy, ce chimiste a mis au point un mode de traitement curatif qui s'attaque à la source du mal, les nitrates. Son équipe a analysé un processus de réduction naturelle des nitrates des sols, via un minerai, la fougérite.
"
J'ai tout à fait confiance que ça se passe comme cela dans la nature. Notre devoir est maintenant de la copier, mais en plus efficace."

Le programme baptisé CERVEAU entend passer des principes observés en laboratoire à la taille d'une installation pilote à l'embouchure de bassins versants. Locquirec devrait être le site retenu pour cette expérimentation "grandeur nature".

EN DEUX ÉTAPES


A l'été 2008, déjà, Jean-Marie Génin tente de convaincre les élus trégorrois du bien-fondé de sa démarche. En vain. "
On m'a écouté, mais c'est tout. En commençant à Lannion, on a perdu notre temps." Difficile d'aller contre une politique d'envergure régionale qui privilégie le palliatif et dépense des millions pour cela. "Même le bon sens paysan n'existe pas. On confie ça au CEVA qui fait ce pourquoi il est là : il valorise" soupire cet amoureux du Trégor où lui et son épouse ont de nombreuses attaches.

Depuis, des avancées ont eu lieu. Concernant la première étape d'expérimentation, validée par Jean-Pierre Finance, Président de l'Université Henri-Poincaré, le traitement mis au point pourrait être transposé en station d'épuration d'eaux usées. "
La SAUR est intéressée. Elle gère 150 stations avec un procédé d'épuration par filtres plantés de roseaux en surface. Avec ce défaut : il faut un traitement complémentaire pour les nitrates." Ce traitement biologique est artificiel " au même titre que de donner de la pénicilline pour guérir de la prolifération de certaines bactéries dans le corps humain", illustre le scientifique.

Jean-Marie Génin est confiant quant à la réalisation d'un compartiment en station : "
C'est relativement simple, on sait fabriquer le composé. Une fois le procédé validé, on peut ensuite le décliner de façon plus écologique en zones humides." C'est là la deuxième partie du programme. L'idée est de réaliser une zone tampon sur un bassin versant, reproduisant le processus avant l'embouchure dans la mer.


TROIS HECTARES À LOCQUIREC


C'est maintenant du Trégor finistérien que pourrait venir une issue. Un Locquirecois a accepté de prêter un espace de trois hectares au Moulin de la Rive, une plage touchée par le fléau des algues vertes. "
Il faisait partie des lieux repérés avec Yves-Marie Le Lay (président de Sauvegarde du Trégor) envisagés pour faire des études en vraie grandeur, souligne l'universitaire. Il est rare qu'un propriétaire comprenne ainsi l'intérêt de notre démarche."

Ancien expert international génie civil et bâtiment, il a même mis son énergie et ses contacts parisiens au service du projet. "
Je suis en mesure de faire quelque chose contre les algues vertes. Au lieu de rester spectateur, je suis acteur. Ce problème est un triste héritage pour nos enfants." souligne le propriétaire finistérien.

Le bassin versant retenu est celui du Lapic, une petite rivière qui prend sa source à Lanmeur, polluée par les stations d'épuration de Locquirec et de Lanmeur et quelques exploitations agricoles. Le dispositif pourrait prendre en compte seulement les effluents des stations ou l'ensemble des eaux. "
Ce n'est pas trop grand, facile à cerner. Si ça marche, on le saura assez vite, plaide Alain Olmi. Les nitrates ne vont pas disparaître tout de suite mais on verra les courbes baisser."


AU MINISTÈRE


Il faut désormais réunir le maximum d'acteurs pour concrétiser le tout. Le syndicat mixte pour la gestion des cours d'eau du Trégor, présidé par Guy Pennec, a signé une lettre d'intention pour une opération sur le Moulin de la Rive. "
Il y a volonté" se félicite Jean-Marie Génin, soutenu par le sénateur Jean-Luc Fichet et par les associations locales Sauvegarde du Trégor et Force 5.

Évidemment cette opération coûterait cher, voilà pourquoi ces deux citoyens ont eu une première entrevue en début d'année au Ministère de l'Écologie. "
l'étude en amont coûterait 2 à 3 millions d'euros. Mais il y aurait des retombées : il y a de quoi créer un département d'IUT, une entreprise de traitement." Elle fournirait par exemple des équipements peu onéreux aux producteurs de porcs. Ils espèrent désormais le parrainage de Chantal Jouanno, Secrétaire d'État à l'Écologie, et d'Hervé Novelli, secrétaire d'État au Commerce, au Tourisme et à l'Artisanat.

"
Nous sommes à la croisée des chemins, insistent-ils, il faut faire le maximum pour prouver que cela marche techniquement et économiquement, ne pas laisser passer l'occasion. Si ça ne marche pas, c'est une catastrophe. Si ça marche, c'est formidable."


LE TEMPS PRESSE


Le jeu en vaut la chandelle. "
Année après année, on joue avec le feu, rappelle Jean-Marie Génin. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas sensibiliser les agriculteurs, mais on sait que l'on ne va pas revenir complètement en arrière. Le tout bio n'est pas possible et la Bretagne n'a pas la géologie nécessaire."

Le temps presse car, constate le chercheur lors de ses promenades littorales "
Les algues vertes propèrent." Et rien ne navre plus Jean-Marie et Irène Génin que de voir la marée verte proliférer. "Notre motivation principale, à mon épouse et à moi-même est de retrouver les plages de notre enfance." Ce qui n'empêche pas de voir plus loin : le procédé pourra intéresser l'Inde et ses rivières ... et surtout la Chine et ses lacs.

Las ! Comme d'habitude, les contacts avec les ministères ne donnèrent aucun résultat.