VIVE LE VENT !




Création le 20 août 2014

 Surprise :  pas un seul échouage d'algues vertes à l'embouchure de notre petit fleuve côtier témoin breton ! Avec néanmoins une timide réapparition en août.

Nous donnons une première explication : celle fournie par Yves-Marie Le Lay, Président de l'association Sauvegarde du Trégor :

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Qu’il fait bon aujourd’hui, en ce tout début août, de flâner sur la plage de Saint-Michel-en-Grève, de retrouver le sable d’or et les eaux chaudes de la Lieue de Grève !

Ce n’est pas seulement un temps que les plus de quarante ans retrouvent. C’est d’abord un avant-goût de ce que nous serions en droit de vivre durablement toutes et tous aujourd’hui si des mesures efficaces de lutte contre les marées vertes avaient été prises. Car, ne nous trompons pas, l’homme n’y est pour rien dans ce spectacle complètement inattendu d’un paysage ressuscité.

Quatre causes pour expliquer non l'absence, mais le peu d'algues échouées sur les plages de Saint-Michel-en-Grève et dans la baie de Locquirec. Pour cela retour sur les faits.

Les algues vertes type ulva, ici ulva armoricana, prolifèrent deux fois au moins leur volume par jour dans de bonnes conditions de lumière, de chaleur et de nutriments. Il suffit qu'un de ces paramètres fasse défaut et la machine s'enraye. Les algues ainsi produites massivement au printemps et en été essentiellement, occupent toute la lame d'eau parce qu'elles ne vivent que flottantes, jamais fixées. Par le jeu des vents et des courants la plupart d'entre elles échouent sur les côtes. Ou elles sont ramassées, ou elles pourrissent sur place avec le danger qu'elles représentent alors avec le dégagement d'hydrogène sulfuré. 

Mais elles sont aussi, ce qui est délibérément ignoré par la quasi-totalité des pouvoirs publics, enfouies dans le sable par le courant et les vagues. Là, à tous les niveaux de la marée, elles
disparaissent à la vue et même souvent à l'odorat. Se constituent ainsi des vasières composées d'un substrat meuble gorgé d'hydrogène sulfuré issu de la décomposition de ces
algues enfouies privées de lumière. C'est dans une vasière de ce type qu'est mort le cheval à Saint-Michel-en-Grève en 2009, et qu'a été gravement intoxiqué son cavalier. Ceci est officiellement reconnu par le dernier jugement de la Cour d'Appel de Nantes. Aucune de ces zones dangereuses n’est à ce jour signalée. Il est prévu de la faire en collaboration avec
Sauvegarde du Trégor sur la Lieue de Grève.

L'hiver, en l'absence de chaleur et surtout de lumière, la production cesse ou tourne au ralenti. Ne subsiste au large de la baie de Locquirec et de Saint-Michel-en-Grève qu'un stock réduit de ces algues dérivantes. C'est à partir de ce stock que redémarre la prolifération dans de bonnes conditions de lumière, de chaleur, c'est à dire à partir du printemps. C'est donc la météo de l'hiver qui détermine la production de marées vertes de l'été suivant. Hiver doux et sans tempête, à quoi rajouter un printemps ensoleillé, sont marées vertes assurées. C'est le cas en 2011. Et l'inverse cette année en 2014.

Ce n'est pas le froid qui a fragilisé le stock hivernal, comme en 2013. Ce sont les tempêtes. Comment ont-elles agi ? D'abord, l'effet des vagues au large ne se réduit pas à une agitation de surface. C'est à plusieurs mètres de profondeur, en fonction de la hauteur des vagues, que le brassage de l'eau se fait sentir. Il atteint donc les couches d'algues posées sur le fond sableux le plus souvent, les agite au point de les disloquer, de les émietter, sans qu'elles puissent se développer en l'absence de lumière, et occasionnellement de chaleur.

Ce brassage est d’autant plus efficace que ces algues sont très fragiles. De cet émiettement, on passe rapidement à la pulvérisation en trop petites cellules pour que la croissance puisse repartir au printemps.

- Deuxième facteur, ce brassage n'affecte pas que les algues. Il agit directement sur les mouvements de sable et provoque un enfouissement des algues, qui en l'absence de lumière sont condamnées à pourrir et à disparaître.

- Le troisième facteur agit comme le second, mais plus à partir des effets de la houle, mais de celui des rivières dont la force du courant est décuplée par les volumes d'eau issus de l'abondance des précipitations. Quand on voit les mètres d'épaisseur de vase
emportés par le courant du Douron le long de son estuaire, on comprend sans mal comment ce fort courant a pénétré dans la mer et agit bien au-delà de la laisse de basse-mer en accroissant encore l'enfouissement des algues ou leur dispersion vers le large, bien au-delà de la zone d'une profondeur de 20 mètres, là où les algues ne survivent plus à cause de la moindre luminosité.

- Le quatrième facteur est aussi lié au débit décuplé d'eau des rivières parvenant à la mer. Comme ces rivières reçoivent l'eau de toutes les pluies des bassins versants en amont, cette eau a ruisselé à travers des champs, souvent à nu l'hiver, et a entrainé avec elle, en même temps que le nitrate, la terre et la matière organique du sol, d'autant plus que les zones humides et les talus supprimés ne jouent plus leur rôle de tampon. Cet apport de matière en suspension a provoqué un voile opaque marron, très visible de la côte au débouché de ces rivières, voile qui a occulté les zones tapissées de ce stock hivernal d'algues, a persisté au printemps et privé de lumières ces ulves.

Pendant plusieurs mois, le stock hivernal d'algues a subi ces assauts répétés des tempêtes et des fortes précipitations, au point de ne laisser que quelques algues survivantes, bien insuffisantes pour réalimenter une prolifération massive.

Alors pourquoi cette forte réduction dans la baie de Lannion et l'abondance dans les baies de Saint-Brieuc et Douarnenez ? Tout simplement, puisque dans ces deux baies, le stock hivernal est beaucoup plus important et qu'il a été, de fait, moins affecté.
Ensuite des configurations locales peuvent jouer. Ainsi les moulières de Hillion cassent une grande partie de la houle du large et atténue ses effets sur les algues dérivantes.

Ainsi, l'homme n'y est pour pas grand chose dans cette réduction des marées vertes. Et quand il l’est, c’est bien involontairement. Preuve s'il en est : un taux de nitrate toujours important dans l'eau des rivières. Mais, en l'absence d'ulva armoricana, bien malmenées par les tempêtes hivernales, ce sont d'autres algues moins fragiles qui profitent de ce nutriment. D'où l'abondance d'entéromorphes, algues vertes filandreuses, qui n'ont pas, fort heureusement, le même potentiel de croissance que les ulves et qui se dessèchent
plus qu'elles ne pourrissent quand elles s'échouent. Elles ne sont vraisemblablement pas les seules à profiter de ce nitrate agricole dans le milieu marin.

Chaque fois que vous arpentez aujourd’hui la Lieue de Grève, ouvrez grands les yeux ! Respirez et faites le plein d’iode marin ! Ne perdez pas une miette de cet exceptionnel moment de vie. Car demain, hélas ! nous ne sommes assurés de rien ... Les marées vertes et leur bouillonnement d’hydrogène sulfuré rôdent. Même si elles ont plus de mal à reconstituer leurs stocks, parce qu’une grande partie du nitrate dans le milieu marin a été consommée par d’autres algues, qui peut croire qu’elles ont dit leur dernier mot ?

Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor le 3 août 2014

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Faut-il pour autant crier "Vive le vent !" ou mieux : "Vive les tempêtes !" en 2020 ? 

Bien entendu, il y a d'autres moyens - à l'échelle humaine - pour éradiquer ce fléau. Nous les explorerons les uns après les autres, avec l'aide des différents responsable de la lutte contre cette pollution.